Synthèse atelier : Précarités et logement

La pandémie a mis en exergue des inégalités et problématiques préexistantes relatives au logement telles que

  • la pénurie de logements abordables,
  • l’augmentation du taux d’effort,
  • les abus (marchands de sommeil, marchandisation des boîtes aux lettres),
  • les discriminations (stigmatisation des personnes à l’aide sociale et issues de la migration)
  • ou encore l’absence de bases légales en matière de réglementation du marché libre du logement.

Si les difficultés d’accès et de maintien du logement se concentrent surtout dans les grandes villes et pèsent de manière plus forte sur les ménages touchés par la pauvreté ou vivant dans la précarité, le phénomène de délocalisation de la pauvreté des centres urbains vers les régions périphériques est également à considérer, d’autant qu’il engendre des formes d’inégalités territoriales et contribue à malmener la mixité sociale.

Animation : Karine Clerc et Olivier Cruchon

Constats et enjeux

Les participant·es ont souligné le caractère hétérogène de la catégorie de mal-logement et sa position à la croisée de problématiques multiples :

  • précarisation du salariat et de l’emploi,
  • durcissement des politiques migratoires,
  • transformations de l’Etat social,
  • non-recours aux droits et prestations sociales,
  • processus de disqualifications et de répressions socio-spatiales,
  • etc.

De par leur hétérogénéité, les situations de mal-logement appellent également une diversité de réponses politico-sociales.

Sur le terrain de la lutte contre le mal-logement, les participant·es ont relevé un certain nombre de dispositifs et prestations développés par les institutions étatiques, les professionnel·les ainsi que par les réseaux militants et associatifs en matière d’aide et d’accompagnement des personnes en situation de précarité résidentielle.

Manque de marges de manoeuvre et sentiment d'impuissance

Malgré l’offre existante, les participant·es ont toutefois fait part du manque de marges de manœuvre et de leur sentiment d’impuissance en regard des multiples contraintes (politiques, légales, réglementaires, financières, administratives, économiques), paradoxes et normes à l’œuvre lorsqu’il s’agit de faire « bouger les lignes », que ce soit au niveau fédéral, cantonal, communal ou sur le terrain :

  • Absence d’instance dédiée en matière d’application du droit au logement
  • Absence de régulation du marché libre par l’Etat et incapacité des pouvoirs publics à développer et réorienter l’offre immobilière
  • Complexité d’application des outils légaux existants (droit de préemption, par exemple)
  • Orientation de moyens financiers importants vers des actions de types « curatives/palliatives » (relogement à l’hôtel, par exemple) au détriment d’actions plus préventives
  • Développement d’actions substitutives bénévoles (citoyennes, militantes ou caritatives) en réaction aux défaillances de l’État social
  • Rôle des professionnel·les dans la reproduction de stigmates et la recréation de situations de précarités (via représentations normatives du logement et de la « capacité à habiter », par exemple)
  • Non-recours des personnes les plus fragilisées aux dispositifs d’aide, notamment par manque d’information, par crainte de répercussion négative sur leur droit de séjour (depuis entrée en vigueur de la LEI révisée en 2019)
  • Non-reconnaissance de la capacité d’expertise et criminalisation des personnes concernées par les pouvoirs publics (occupations de logements vacants, par exemple)

Ces différents constats révèlent en creux la faible attention accordée à la question du logement dans la structuration de la politique sociale helvétique. Afin de lutter efficacement contre le mal-logement, l’ensemble des participant·es s’accorde sur la nécessité d’élaborer à l’échelle cantonale une véritable politique sociale du logement, c’est-à-dire une stratégie concertée qui implique l’ensemble des acteurs concernés.

 

Pistes

Sur la base de ces constats, les missions de l’espace thématique, pourraient s’orienter parallèlement sur plusieurs champs d’action :

Documenter la diversité des situations de mal-logement

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Les connaissances que l’on dispose à ce jour sur les parcours, les conditions d’existence et les expériences des personnes en situation de mal-logement et sans-abrisme sont encore fragmentaires.

Les participant·es ont relevé l’importance de commencer par rassembler, analyser et visibiliser les connaissances existantes (en particulier la documentation produite par les structures Bas-Seuil et les réseaux militants) avant d’articuler ce savoir à la production de connaissances nouvelles.

Certaines pistes ont été formulées et s’orientent à ce stade vers un travail de documentation des aspects moins connus de la problématique :

  • marchands de sommeil,
  • marchandisation des boîtes aux lettres,
  • coûts financiers et humains des placements sociaux et du relogement provisoire à l’hôtel,
  • difficultés de maintien dans le logement,
  • non-recours aux HU,
  • parcours de femmes sans-abri, par exemple.

Faciliter la mise en dialogue des acteur·rices concerné·es

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Au vu du caractère transverse des problématiques de précarités et de la multiplicité des acteur·rices concerné·es, les participant·es ont émis le souhait de créer un espace pour faire dialoguer les expertises, les expériences, les approches, les connaissances, les points de vue et les visions de différents types d’acteur·rices, en particulier les personnes concernées mais aussi les acteurs du secteur immobilier (régies et propriétaires).

Cartographier, analyser et évaluer l’offre de prestations existantes

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Au-delà des situations elles-mêmes, les participant·es ont souligné le caractère morcelé de l’offre et ont fait part de la nécessité de cartographier les prestations existantes, a minima à l’échelle régionale.

Les participant·es ont également souligné la nécessité d’évaluer l’offre prestations existantes auprès des personnes concernées. Avant d’envisager le développement de certaines prestations existantes ou la création de nouvelles prestations, il s’agirait en effet d’évaluer au préalable dans quelles mesures les dispositifs et prestations existants répondent aux besoins des personnes.

Accompagner les partenaires de terrains dans leurs projets

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Sur la base des connaissances et réflexions produites dans le cadre de l’espace thématique, l’Observatoire des précarités pourrait, en collaboration avec les acteurs professionnels et institutionnels impliqués, accompagner les acteur·trices du social dans :

  • Le développement de prestations existantes (accompagnement au maintien dans le logement, actions de types préventives, approches « basées sur le logement », par exemple)
  • L’élaboration de nouveaux types d’outils (aide à la recherche de logement, par exemple) et de prestations (aide et accompagnement dans le domaine du logement, par exemple)
  • La mise en place de projets pilotes (pairs-aidants pour accompagner les personnes sortant du dispositif de l’EVAM dans leur recherche de logement, par exemple)
  • L’élaboration de formations continues conçues à l’intention des professionnel·les
  • La mise en place d’actions de sensibilisation auprès des acteurs du secteur immobilier (régies et propriétaires) en matière d’optimisation des logement vacants ou de proposition de logements abordables, par exemple