Interview

Pourquoi les plans canicule vieillissent mal


Publié le

Les plans canicule mis en place par les collectivités romandes sont-ils viables dans le futur ? Non, répond en substance notre chercheuse de la HETSL et sociologue des médias et du vieillissement Fabienne Malbois, qui vient de publier une enquête préliminaire ou “working paper” (PDF) sur la question du point de vue social.

©HETSL

©HETSL

Vous avez analysé les articles du journal “Le Temps” traitant de la canicule depuis 2003. Qu’observe-t-on en 20 ans ?

La perception de ces chaleurs extrêmes a changé. Si la grosse canicule de 2003 a été traitée dans les médias comme un phénomène météorologique extrême ponctuel, il en va différemment pour les canicules suivantes. Dès 2015, la responsabilité de l’activité humaine (via les émissions de CO2) sur le réchauffement climatique est prise en compte et, depuis une dizaine d’années, les journalistes évoquent la nature comme personnage de premier plan de notre environnement en pleine transformation, là où elle n’était jusqu’alors que le paysage immobile de nos activités (par exemple, l’été 2015 est, selon le titre d’un article, celui où « les Alpes ont fondu ») .

« Les canicules vont continuer à poser un important problème de santé publique. »

Quel est le problème des plans canicule actuels ?

Ces derniers ont été initialement pensés comme une réponse d’ordre essentiellement sanitaire destinée à prendre place durant une courte période (une fois par an pendant quelques jours au maximum). Il s’agit notamment de rester chez soi au frais le plus possible, de s’hydrater, d’éviter de sortir, et, pour les personnes parmi les plus vulnérables, de figurer sur une liste de personnes bénéficiant d’une visite ou d’un appel téléphonique quotidien. Ces dispositifs d’intervention sont efficaces mais ils sont lourds et mobilisent beaucoup de professionnel·les. L’isolement, en particulier en contexte urbain, étant un facteur de vulnérabilité, on ne saurait donc le conseiller sur des longues périodes. Or, on constate que les épisodes caniculaires ont désormais lieu plusieurs fois par été, sur une période beaucoup plus longue qui peut s’étendre de mai à septembre. Et leur fréquence et leur intensité ne vont aller qu’en augmentant ces prochaines années. Dès lors, inviter des personnes déjà vulnérables à s’isoler chez elles ne pourra qu’altérer leur qualité de vie et aussi leur santé.

« L’isolement, facteur de vulnérabilité, ne saurait être recommandé sur des longues périodes. »

Quel est l’enjeu de votre enquête ?

Les canicules vont continuer à poser un important problème de santé publique. Mon enquête met en évidence que l’on gagnerait à imaginer des réponses plus sociales que sanitaires, plus collectives qu’individuelles, et à prendre appui sur les savoirs et les métiers du travail social. Dans les villes, cela passe par exemple par la création de places ou lieux de rencontre ombragés et frais, où l’on peut tisser du lien, renforcer des relations de voisinage avec le vivant (humain et non-humain), et où des professionnel·les peuvent également rencontrer des publics vulnérables et leur donner des conseils pour mieux vivre ces extrêmes chaleurs. Au vu des défis posés par le réchauffement climatique, c’est une question qui se posera forcément aux collectivités publiques, communales et cantonales.
 

Lire le working paper